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12 février 2017 7 12 /02 /février /2017 23:05

Au delà de la fenêtre, commence une vaste étendue de bitume craquelé qui sert de terrain de jeux aux gamins, de parking et d'horizon.

C'est pourquoi je préfère fermer les volets. D'ailleurs, c'est plus prudent, en rez de chaussée, avec une baie qui joint mal. Sur le mur face à la porte s'étend une plage cocotière immuable, dont le soleil ne se couche jamais.

Lorsque je suis rentrée, les chats avaient cassé le grand vase bleu, tu sais, celui qu'on avait commandé à la potière... C'était l'objet le plus précieux de la pièce, je viens de m'en rendre compte. Il fait encore chaud et j'ai enlevé mes chaussures avec soulagement : après une journée d'allées et venues incessantes entre la réserve et les rayons, mes pieds rêvent de plage et de vagues salées.

Je secoue ma fatigue. A défaut de plage, piscine !

 

Le grand bain est colonisé par une cohorte de bonnes femmes en bonnets de schtroumpf, dotées d'étranges appendices multicolores. Tonitruante, la musique rivalise avec la vapeur d'eau chlorée pour vous faire perdre le sens des réalités.

Bienvenue à l'aquagym Dosibulles.

Le port de chaussures de piscine est fortement recommandé.

Dès l'entrée l'odeur vous assaille. Chlore, sueur, urine, fumet de grosses femmes abritant des champignons dans leurs replis.

L'eau, brassée par des dizaines de jambes et de bras prend une coloration trouble. La voix de la monitrice se perd en échos mouillés sous la voûte assombrie.

C'est la première fois que je viens à la séance du soir et je ne reconnais personne dans les participantes. Quelques corps encore bronzés de jeunes femmes minces et une majorité de dames replètes qui soufflent comme des otaries.

J'ai été retardée par les embouteillages, la séance est déjà bien entamée. Douche expédiée, je m'apprête à me glisser dans l'eau quand mon alliance glisse de mon doigt et va rouler près d'un monceau d'anneaux de plastique, qu'un instant je crois animé de mouvements reptiliens.

Décidément, j'ai maigri ! Une chance que j'aie entendu le bruit de sa chute, j'aurais pu la perdre dans l'eau et là...

Au fond, par la baie, un couchant rouge vif façon poster, entre et colore la surface de la piscine de reflets sanglants. Je repense à notre plage de Vanuatu... Comme on est loin du vent parfumé de l'île...

Une sorte de réticence me fait retarder l'entrée dans l'eau. J'observe l'assistance. Les femmes sont beaucoup plus silencieuses qu'à la séance du lundi midi et elles arborent un air crispé, que justifie sans doute les exigences de la monitrice. On n'a pas l'air de rigoler, à ce cours !

Je suis assise sur le bord et mes cuisses se hérissent au contact presque gluant du carrelage. Je préfère rejoindre l'échelle pour descendre progressivement.

C'est étrange, il me semble qu'il y avait plus de participantes que ça, tout à l'heure. Finalement le groupe n'est pas aussi important que je l'avais cru de prime abord.

La série de mouvements abdos se termine et j'attends le début de la séquence suivante pour entrer dans l'eau. La musique devient moins rythmique et la monitrice annonce une série de plongées avec battement de pieds en surface, destinée à accroitre notre capacité respiratoire.

Et merde, j'ai oublié mes lunettes ! Impossible de plonger avec mes lentilles. Décidément, je n'aurai pas fait grand chose durant ce cours, à part...

A l'autre bout du bassin, une sorte de bouillonnement, un grouillement, qu'est-ce que c'est que ça ?

La bande-son fait des bruits de bulles crevées et des glissandos désagréables, le genre de musique que je déteste... Tu disais toujours que j'étais pleine de préjugés par rapport à la musique moderne et pour te moquer, tu me jouais des valses de Vienne, les seules musiques possibles pour une béotienne comme moi ! Ce que j'aimais, moi, c'était ta voix. Elle ressemblait à ta peau : souple et chaude...

Quelque chose vient de passer dans l'eau tout près, juste en dessous de moi. C'était gros. Je remonte mes pieds.

La monitrice murmure dans le porte-voix, je ne comprends pas ce qu 'elle dit.

Les mouvements des femmes qui plongent régulièrement et les battements de pieds me paraissent fléchir. Une fatigue... On dirait que la piscine s'est aggrandie, l'espace entre les nageuses est plus important qu'au début.

J'ai le plexus noué. Pas envie d'y aller. D'ailleurs ça n'en vaut pas la peine, le cours va bientôt finir. Machinalement, je tâte l'eau du bout des doigts. Ma main sort rouge. Je ne sais pas si je vais oser goûter...

 

Qu'est-ce que je t'aimais !... Trois ans déjà et pourtant je n'ai pas encore réussi à faire mon deuil. Pourquoi es-tu allé nager au delà de la barrière de corail, mon amour ? Le lagon était si beau au couchant, et sûr comme une piscine...

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commentaires

M
...Plômé !<br /> Mais je dois aussi le dire : bravo !
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T
écrire élargit les jours et les nuits, -chic ! (copié chez Géhèm) <br /> et qu'importe (si) telle 'histoire propre', <br /> puisque avec l'humour, la pensée du vivant, pas comme le cynisme (par ex.) l'expression de l'esprit sans oxygène ni hygiène, on vivra plus longtemps ! <br /> <br /> Pin-Pon ! ..le Samu, ses palmes et une bouée, s'est invité, Cheers
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T
en effet, le coulant minéral est souvent ferrugineux (ni j'ai les stats, %) <br /> évidemment je suis désolé (orbite et gravite) de qql errements ou leur perturbation, ni bévue ni inconduite j'espère (en dessous du 12° on n'a plus rien !) alors la promesse de ne plus recommencer. <br /> Point (eh, pratique ce truc!) <br /> c'était un plaisir, merci Coline,
C
N'oubliez pas les lunettes, ti suisse, l'eau n'est pas toujours très claire !<br /> Merci de votre passage
G
Un vrai poster breton ! Je m'y suis cru jusqu'au bout. :o))<br /> Je te bise, ma Coline.
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G
Dans l'estuaire de la Rance mais c'est comme les coins à champignons, on les garde pour soi.
P
Dis-moi Gehem, tu me diras où on trouve des plages cocotières en Bretagne silteplé?<br /> Belle description d'un endroit où vaut mieux pas mettre un orteil!
G
Appelle-moi en toute simplicité : Votre Sainteté, mon enfant...<br /> Et puis non, ma Coline : champagne ?
C
Avec toi, ça fait toujours des bulles !<br /> Bises<br /> Coline

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  • Coline Dé
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 Bricoleuse de mots, déboulonneuse de socles, dévisseuse de certitudes, j'ai envie d'un monde  où le rire libre lézarderait les murs. Juste pour la beauté des lézardes.
  • J'écris pour regagner en largeur ce que ma vie perd en longueur... Bricoleuse de mots, déboulonneuse de socles, dévisseuse de certitudes, j'ai envie d'un monde où le rire libre lézarderait les murs. Juste pour la beauté des lézardes.

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